Céline Arétin, responsable des sujets culturels, féminins et relatifs à l'écologie, 11 mai 2025
Le nom d’Estelle n’apparaît qu’indirectement dans les récits médiévaux consacrés à saint Eutrope de Saintes, premier évangélisateur de la cité gallo‑romaine. Fille d’un légat romain et d’une mère issue d’une lignée de druides, elle aurait vécu au IIIe siècle. Elle aurait été convertie puis baptisée par Eutrope, serait devenue son auxiliaire dans la catéchèse et aurait refusé les mariages diplomatiques proposés par son père. Elle aurait enseigné la foi chrétienne à d’autres jeunes femmes de l’aristocratie gallo-romaine, ce qui aurait davantage irrité les autorités païennes. Son père aurait fait décapiter l’évêque dans l’arène, puis l’aurait condamnée au même sort lorsqu’elle réclama la dépouille de son mentor pour l’ensevelir. Son nom grec Eustelle (« qui orne bien ») a été repris par Frédéric Mistral qui l’a rebaptisée Estelle (« étoile ») et en a fait, en 1854, la patronne de la renaissance occitane. Les historiens soulignent toutefois l’absence de témoignages antérieurs au XIIe siècle, si bien que son historicité est aujourd’hui tenue pour douteuse.
Un capitulaire saintongeais du XIIIe siècle rapporte qu’une jeune paysanne aveugle de Port‑d’Envaux recouvra la vue après avoir touché le couvercle du sarcophage d’Estelle. La même collection énumère quatre libérations de possédés et deux guérisons de plaies gangreneuses imputées à l’huile des lampes brûlant devant sa châsse. Au XVIIe siècle, un registre du prieuré de Saint‑Eutrope consigne encore vingt‑deux « grâces sensibles », dont la résorption inopinée d’une fracture ouverte survenue à un marin de La Rochelle en 1643 après une veillée de prières auprès du reliquaire portatif d’Estelle.
Estelle appartient à la cohorte des saints « précanonisation », avant que Rome n’uniformise ses procédures. Le cartulaire de Saint‑Eutrope (1655) lui reconnaît formellement le titre de martyre, décision confirmée ad referendum par l’évêque de La Rochelle et Saintes au XIXe siècle, mais son nom n’est pas repris dans l’édition 2004 du Martyrologium Romanum. La Conférence des évêques de France la classe parmi les figures légendaires dépourvues de cause de canonisation ; cependant, l’Église orthodoxe la commémore le 30 avril aux côtés d’Eutrope.