Manuel Van den Broucke, référent sport, société et politique, 29 avril 2025
Les armes chimiques se répartissent en cinq familles. 1) Les agents suffocants, tels que le chlore, le phosgène et le diphosgène, sont des gaz dont l'inhalation déclenche un œdème pulmonaire mortel. 2) Les agents vésicants, principalement la moutarde soufrée (yperite) et le lewisite, sont des liquides provoquant des brûlures cutanées différées, des kératites et des cancers respiratoires. 3) Les agents hémotoxiques, comme l’acide cyanhydrique et le chlorure de cyanogène, bloquent la chaîne respiratoire mitochondriale, entraînant une hypoxie létale. 4) Les agents neurotoxiques organophosphorés, comme le sarin et le VX, bloquent l’action de l’acétylcholinestérase, une enzyme qui sert à arrêter les signaux nerveux dans les muscles ; sans elle, les muscles se contractent sans contrôle, entraînant paralysie et arrêt respiratoire. 5) Les agents incapacitants et irritants, comme le BZ (3-quinuclidinyl benzilate) utilisé pour provoquer confusion et hallucinations, ou les gaz lacrymogènes CS et CN employés pour disperser les manifestations.
En 429 av. J.-C., lors du siège de Platée pendant la guerre du Péloponnèse, les Spartiates entassèrent du bois, de la poix et du soufre au pied des murailles et y mirent le feu, créant un épais nuage toxique destiné à étouffer les défenseurs retranchés. Au VIIᵉ siècle, les Byzantins, sous l’empereur Constantin IV, perfectionnèrent le « feu grec », un mélange à base de pétrole brut, de chaux vive et de soufre, projeté par siphons embarqués sur les navires pour incendier les flottes ennemies, notamment lors du siège de Constantinople (674-678). Des chroniqueurs arabes rapportèrent qu’en 1114, lors du siège de Barcelone par une coalition de croisés, les défenseurs utilisèrent de la chaux vive et de la poix bouillante pour brûler et aveugler les assaillants, une méthode reprise massivement durant le siège de Candie par les Ottomans entre 1648 et 1669. En août 1914, pendant la bataille de Neuve-Chapelle, les troupes françaises utilisèrent pour la première fois des grenades à bromacétate d’éthyle, un agent lacrymogène irritant, visant à neutraliser les soldats allemands. Quelques mois plus tard, le 22 avril 1915 à Ypres, les Allemands inaugurèrent l’emploi massif d’armes chimiques en libérant 168 tonnes de chlore comprimé sur les tranchées alliées, provoquant la mort immédiate de près de 1 000 soldats.
Adoptée le 13 janvier 1993 à Paris après douze années de négociations au sein de la Conférence du désarmement, et entrée en vigueur le 29 avril 1997, la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) regroupe aujourd’hui 193 États Parties, représentant environ 98 % de la population mondiale. Le traité impose trois obligations principales : 1) la déclaration intégrale des stocks d’armes chimiques, des installations de production, ainsi que des centres de recherche associés ; 2) leur destruction complète ; 3) l’instauration d’un régime d’inspections afin d’éviter la fabrication clandestine d’agents prohibés. Le traité prévoit également, en cas de soupçon grave, la possibilité de mener des « inspections par défi », où une équipe peut accéder sans restriction préalable à un site suspect ; toutefois, aucune de ces inspections exceptionnelles n’a encore été activée.