Ingrid Nováková, spécialiste international, 21 mai 2025
Le Monténégro prit racine autour de Dioclée, ancienne cité romaine du IIIe siècle située près de l’actuelle Podgorica. Après l’arrivée des Slaves au VIe siècle, la principauté de Duklja devint puissante : son chef militaire, ou voïvode, Stefan Vojislav, repoussa l’armée byzantine à Bar en 1042. Les familles Balšić puis Crnojević gouvernèrent la région et, en 1485, adoptèrent officiellement le nom de Crna Gora, « Montagne noire ». En 1496, l’Empire ottoman annexa ces terres sous forme de sandjak. Dans les montagnes, le contrôle turc resta cependant théorique : les clans (plemena) géraient encore leurs affaires lors d’assemblées en plein air nommées zbor. Aux XVIe et XVIIe siècles, les métropolites orthodoxes de Cetinje, réfugiés dans le monastère d’Ostrog, exercèrent à la fois l’autorité religieuse et la direction militaire et, en 1697, Danilo I Petrović adopta la guérilla. Les victoires de Carev Laz (1712) et de Krusi (1796) montrèrent que, malgré la supériorité numérique ottomane, la « Montagne noire » formait déjà un bastion orthodoxe soudé par la résistance.
En 1852, l’évêque-prince Danilo II abandonna la fonction religieuse pour devenir knjaz (prince laïc) et promulgua un « Code général » qui transforma la coutume orale en loi écrite. Son successeur, Nikola I Petrović-Njegoš (1860-1918), créa un Sénat, une gendarmerie, des écoles et un service postal reliant Cetinje au littoral des Bouches de Kotor. La conscription instaurée en 1862 convertit les milices tribales en une armée régulière, facteur important des guerres victorieuses de 1876-1878 contre l’Empire ottoman. Le traité de Berlin (13 juillet 1878) reconnut officiellement l’indépendance du pays et doubla son territoire. Nikola I renforça la diplomatie grâce à des mariages avec les maisons royales de Russie, d’Italie et de Serbie, donnant à un État de 250 000 habitants une visibilité internationale. Une monnaie nationale, le perper, fut frappée dès 1906. La constitution de 1905, inspirée du modèle belge, institua la Skupština (parlement) élue au suffrage masculin restreint, limitant l’autorité monarchique. Lorsque éclatèrent les guerres balkaniques (1912-1913), l’armée monténégrine aida à encercler Scutari et sécurisa le mont Lovćen, garantissant enfin un accès direct à la mer Adriatique.
Intégré au Royaume de Yougoslavie en 1929, le pays fut ensuite occupé par l’Italie fasciste pendant la Seconde Guerre mondiale. Libéré en 1944, le Monténégro devint l’une des six républiques de la Yougoslavie socialiste, avec son propre parlement. La Charte de Belgrade (2003), qui transforma la République fédérale de Yougoslavie en une union plus souple appelée Communauté d'États de Serbie-et-Monténégro, autorisa un référendum sur l'indépendance après trois ans. Le scrutin du 21 mai 2006 donna 55,5 % de voix pour l’indépendance, dépassant de peu le seuil requis ; le parlement la proclama le 3 juin 2006, et l’ONU accueillit le nouvel État le 28 juin. Le Monténégro conserva l’euro comme monnaie courante, rejoignit l’OTAN en 2017 et poursuit aujourd’hui des négociations pour adhérer à l’Union européenne.